Lorsque Imad Alhour, 33 ans, a réalisé qu’il était temps d’être admis dans l’hôpital le plus proche traitant COVID-19, il a d’abord dû trouver l’itinéraire le plus sûr pour éviter les frappes aériennes. Ensuite, il devait héler un taxi.
Alhour vit dans la ville de Gaza et est tombé malade du coronavirus quelques jours avant qu’une violente escalade n’éclate entre Israël et Gaza en mai. Sa femme, Imran Namroti, 30 ans, a également eu des difficultés à respirer et une forte fièvre. Ni l’un ni l’autre n’ont été testés, car le faible nombre de laboratoires à Gaza limite les tests aux patients les plus malades.
"Nous n’avons pas appelé d’ambulances parce qu’elles étaient juste en service pour aider les gens qui étaient blessés et pour trouver qui avait été tué", a déclaré Alhour.
Le couple a trouvé une baby-sitter pour leurs trois enfants, dont l’âge varie entre 3 et 8 ans. Une fois les enfants installés, ils sont sortis. Après une heure d’attente, ils ont fait signe à une voiture.
"Finalement", a dit Alhour, "nous avons réussi à arriver à l’hôpital Al-Aqsa", l’un des plus grands établissements médicaux de Gaza. "Pour éviter les frappes aériennes", ils ont emprunté "des rues secondaires, et non la route Salah al-Din, qui est considérée comme l’autoroute principale de la bande de Gaza."
Le premier médecin qui a traité le couple a déclaré qu’ils n’étaient pas assez malades pour leur faire un test COVID-19. "Il a refusé de faire des prélèvements sur ma femme et moi et nous a dit qu’ils ne le faisaient que pour des cas extrêmement graves", a déclaré Imad Alhour. "J’ai appelé mon ami qui travaille à l’hôpital et il nous a aidés et a fait des prélèvements".
Les résultats de leur test rapide "étaient censés prendre 30 minutes, mais cela a pris 90 minutes parce que l’hôpital était plein de personnes blessées et que les médecins étaient trop occupés", a-t-il dit.
Bien que les résultats soient positifs, après six heures, le couple a été libéré et renvoyé chez lui. L’hôpital était submergé par les blessures et les patients en état critique COVID-19 et n’avait pas la capacité de les traiter davantage.
Au cours des jours suivants, leurs maladies se sont aggravées.
"Nous souffrions des symptômes du COVID-19 et nous ne pouvions plus atteindre l’hôpital ni aucun médecin à cause des bombardements intensifs", raconte Alhour. "Vous ne pouvez pas imaginer à quel point c’était difficile". D’ordinaire, il réconforte leurs enfants pendant les déflagrations assourdissantes. Gaza a connu quatre escalades majeures avec Israël depuis 2008, bien que ce soit la première qui coïncide avec une pandémie.
"Je ne savais pas si mes enfants avaient attrapé le virus ou non puisqu’ils ne présentaient aucun symptôme", a-t-il déclaré.
"Ils avaient l’habitude de se précipiter vers moi et ma femme lorsqu’ils entendaient des bombardements", a-t-il ajouté, précisant que la famille avait d’abord essayé de maintenir une distance sociale, mais qu’elle avait finalement décidé de dormir ensemble dans une seule pièce pendant les nuits les plus agitées, marquées par des frappes aériennes nocturnes. "Je savais que c’était mal d’être proche d’eux, mais ils étaient terrifiés par les bombardements, alors je devais être proche d’eux et leur assurer que tout ira bien."
"Le coronavirus n’était pas la priorité pour moi, c’était la vie de mes enfants", a-t-il ajouté.
Conditions de surpopulation
Au cours des combats qui ont duré du 10 au 21 mai, les forces israéliennes ont tué 260 Palestiniens, dont 66 enfants, et endommagé 50 000 maisons, dont 1 255 ont été complètement détruites. Au moins 260 écoles et 33 installations médicales ont également été endommagées. Selon une évaluation conjointe des Nations unies, de l’Union européenne et de la Banque mondiale, la destruction physique totale a coûté 380 millions de dollars, et Gaza a subi 190 millions de dollars de pertes économiques. Les dégâts ont été estimés à 485 millions de dollars au cours des 24 premiers mois.
Au plus fort des hostilités, au moins 120 000 Palestiniens ont été déplacés, dont Mohamoud Ghbayen, un homme de 37 ans père de cinq enfants. Il a envoyé sa famille chez des proches dès le début des violences. Sa maison se trouve à Beit Lehia, dans le nord de Gaza, à proximité de la barrière qui sépare l’enclave côtière d’Israël. Juste au-delà de la clôture, des chars israéliens ont tiré des obus d’artillerie sur le quartier résidentiel.
Le jour suivant, "l’armée israélienne a bombardé ma maison avec un missile d’avertissement", a déclaré Ghbayen. "Dix minutes plus tard, ils l’ont décimée avec un avion de guerre F-16".
N’ayant aucun endroit où vivre, Ghbayen s’est rendu dans un abri dans le camp de réfugiés de Shati beach, près de la mer Méditerranée. Il s’agissait d’une école reconvertie gérée par les Nations Unies. Les pièces étaient exiguës, avec deux à trois familles dans une des 40 salles de classe. Lui, et éventuellement ses enfants qui l’ont rejoint là, où ils dormaient sur de minces matelas à même le sol. "Jusqu’à présent, je ne peux que me demander pourquoi ils ont détruit ma maison puisque je ne suis qu’un civil sans lien avec l’armée".
Ghbayen a souligné que lorsqu’il est arrivé à l’école, il y avait environ 300 personnes, dont des femmes, des enfants et des personnes handicapées, "avec seulement six toilettes à utiliser."
"Si l’un d’entre nous avait été infecté, nous aurions tous attrapé le virus. Notre situation était vraiment épouvantable", a-t-il déclaré, avant d’ajouter que "le coronavirus n’est pas notre problème [le plus urgent] maintenant. Tout ce que nous voulons, c’est reconstruire notre maison".
L’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, ou UNRWA, leur a donné "un repas par personne et par jour" et "des masques, des désinfectants, de l’eau et du pain". Même s’il a souligné qu’aucune mesure de protection et de distanciation sociale n’a été pratiquée.
"Les gens ici ont perdu leurs maisons et ils sont profondément déprimés", a-t-il décrit. "Le coronavirus n’avait aucune importance pour eux".
"J’ai fait de mon mieux pour ne pas avoir de contact étroit avec les autres, mais je devais le faire", a-t-il expliqué. "L’école est comme une prison. Ma femme, Manal Ghbayen qui a 32 ans, mes enfants et moi, et tout le monde ici subit une pression psychologique."
"Nous en avons assez de ces conditions", a insisté Ghbayen. "Nous ne pouvons plus supporter cela, qu’Allah nous aide".
Des semaines après qu’un cessez-le-feu ait été négocié par l’Égypte, il y a encore 320 Palestiniens dans deux écoles de l’UNRWA, a déclaré Adnan Abu Hasna, conseiller en médias de l’UNRWA à Gaza.
"L’UNRWA a distribué des masques, des désinfectants, un soutien psychologique et de la nourriture", a-t-il dit, ajoutant que "la situation était très grave car certaines écoles étaient trop bondées."
La vague de Covid-19 après la guerre
"La guerre a gravement affecté la situation de la pandémie à Gaza", a déclaré le Dr Majdy Dahir, directeur du département de médecine préventive au ministère de la santé à Gaza. Le siège de son agence a été touché par une frappe aérienne et les débris de l’impact ont gravement endommagé le principal laboratoire du COVID-19, situé dans le bâtiment voisin, qui a été fermé pendant neuf jours.
Il n’y a que deux laboratoires à Gaza qui traitent les tests PCR. Les tests rapides sont effectués dans quatre sites satellites du gouvernement et dans 22 centres de santé de l’UNRWA.
Début mai, l’enclave côtière se remettait d’une deuxième vague. Aujourd’hui, M. Dahir estime qu’une troisième vague est en hausse, plus de 90 % de tous les nouveaux cas de COVID-19 dans le territoire palestinien occupé provenant de Gaza. Pourtant, selon l’Organisation mondiale de la santé, seuls 93 673 des quelque 2 millions d’habitants de Gaza sont vaccinés.
Selon les données du ministère de la santé, au lendemain des hostilités en mai, le taux de positivité à Gaza a atteint près de 30 %.
Lorsqu’on lui a demandé si le ministère de la santé de Gaza pouvait faire face à la troisième vague, un porte-parole du ministère, Ashraf Qedra, a expliqué : "Nous avons 500 lits pour les patients du COVID-19 qui n’étaient pas tous occupés lors de la première et de la deuxième vague."
Selon le ministère de la santé jeudi, 115 483 Palestiniens de Gaza ont été testés positifs au COVID-19. Il y a actuellement 1 440 cas actifs et 1 078 sont morts de causes liées au COVID-19.
Traduction : AFPS